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Les Bouchats

La première chose que nous faisions quand nous arrivions aux Bouchats, avant même de descendre les bagages de la voiture, c’était le tour du jardin avec Papy. Pour rien au monde, nous n’aurions raté ce moment magique qui nous faisait passer de notre vie de citadins pressés encore engourdis par les kilomètres avalés sur l’autoroute, à la simplicité d’une tomate à maturité ou d’une fraise encore un peu terreuse.

Tandis que le jour déclinait sur la campagne verdoyante, nous marchions un peu hébétés dans les allées du potager bordés de fleurs désuètes, écoutant distraitement Papy qui nous montrait ravi, les salades aux belles feuilles tendres et craquantes que l’on mangerait au dîner ou la rangée d’oignons juste plantés.

Dressés aux pieds des asperges dans le fond du potager, les pêchers étendaient fièrement leurs branches vers le ciel. On mangerait bientôt les petites pêches de vigne gorgées de soleil, à la chair rouge et sucrée, avant de les retrouver aux mauvais jours, sorties des bocaux, pour agrémenter un fromage blanc ou parfumer une triste salade de fruits d’hiver.

L'odeur de la terre chauffée montait dans l’air du soir pendant que le vent tiède faisait plier les iris et les tiges de la ciboulette aux fleurs violettes. Plus loin dans le fond du jardin, à l'ombre des pommiers, les petites chèvres du voisin passaient leur tête à travers le grillage… 

Après avoir fait le tour du potager avec Papy, nous marchions alors vers la maison, humant les parfums oubliés, heureux de retrouver notre campagne limousine. Les derniers rayons de soleil jouaient avec les feuilles des bouleaux tandis que nous savourions la douceur de vivre et la chaleur de nos retrouvailles.

Près de la pêcherie, ce trou d’eau au milieu du jardin, entouré de joncs et d’herbes folles, les grenouilles commençaient leur concert pour la nuit. Papy avait sa petite préférée, celle avec qui il "causait" lorsqu'il s'asseyait le soir, sur le banc devant la maison et il nous assurait qu'elle lui répondait. Ah sa petite grenouille! Lors d'un séjour chez nous, lorsqu'il eut épuisé la plaisir d'être parmi les siens, il eut soudain en tête de rentrer aux Bouchats pour la retrouver… sa petite grenouille lui manquait tant!  

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