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La statue de la Chapelle

Dans l'aube pâle d'un matin d'avril, il est une jeune beauté aux cheveux de blé. Sa peau a la couleur des draps et ses yeux sont perdus dans le vide. Elle a posé sur ses fragiles épaules la douceur d'un vêtement qui la caresse jusqu'en bas du dos. Son nom est sans frontière, il compte plus d'un millier de lettres. Elle est charmante et simple. Sa candeur embellit les traits plein de fraîcheur de son doux visage. Dans la brume irréelle de l'aube, l'image hésitante des courbes de son corps se dessine et se confond avec les ombres imperceptibles de la vieille chapelle en ruines. L'innocente enfant belle est ici depuis des siècles. Elle connaît le soleil sur les feuilles et la neige au creux de ses mains. Elle sait le chant du rossignol, les bouffées d'alcool qui montent des plantes, les violettes et les coucous du printemps, et le vent lugubre qui s'engouffre à l'automne dans la vieille chapelle.

Cette vieille chapelle est un pauvre bâtiment au plafond délabré. Le plâtre s'effrite en misérables lambeaux. Les dalles de pierre, jonchées de ces débris et de bien d'autres encore, accueillent avec bonté l'immortelle nature et les poutres qui s'écroulent. C'est le logis rassurant des oiseaux du bois, et sur l'autel cérémonieux, le christ, semble avoir pris, au creux de son épaule, le nid douillet d'une mésange bleue.

Voilà des siècles que notre hâve beauté voit passer le temps sans penser… elle n'a ni mangé, ni dormi depuis tout ce temps. Elle veille avec patience sur ce coin du monde et ses yeux résignés deviennent parfois vivants. Ils brillent en effet au clair d'une lune blême et pleurent des gouttes de nuages lorsqu'il pleut sur le bois.

Du plus haut de son royaume, entre le ciel et l'univers, Dieu la regarde et la protège. Il lui murmure des "bon courage" tout bas, et elle sait que bientôt, quand la terre va mourir, quand les buissons n'auront plus les goût des myrtilles et que les fleurs fanées envahiront le sol, elle restera seule.

Seule et victorieuse, elle aura fait gravement et avec dévouement son devoir de statue. Depuis le jour où elle est sortie fraîchement moulue des mains de son sculpteur, elle garde son empreinte et leur suave chaleur. Ses traits se détruiront-ils lorsque la nuit envahira l'astre terre ou bien resteront ils gravés dans l'argile comme au premier jour?

L'avenir répondra…

En attendant, la lumière inonde la beauté de son corps tandis que le jour se lève, crevant les couleurs pastels de l'aube, la statue de la chapelle… veille.

 

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