Aujourd’hui Catie aurait 126 ans
Née en 1894, deux sœurs, trois frères, des parents grainetiers qui tenaient un café dans la grande rue du village, voilà l’enfance de Catie dans un petit village de la Loire Atlantique. Et dans la boutique qui fait aussi dépôt de journaux, de livres et de revues, Catie découvre quand elle en a le loisir, le passionnant plaisir de la lecture. C’est peut-être parce qu’elle a été entourée d’écrits dès son plus jeune âge que Catie n’a cessé de lire toute sa vie et qu’elle m’a transmis son amour des livres….
Catie, surnommée ainsi par ses neveux s’appelle en réalité Augustine.
C’est une petite fille très sérieuse, première de sa classe à l’école primaire et au catéchisme. Elle rêve de faire des études mais elle doit renoncer après le certificat d’études. Elle aurait aimé aller en pension, mais ses parents n’ont pas les moyens de lui offrir et elle doit chercher du travail pour alléger les charges de la famille.
Dans le village, le notaire qui possède un château en villégiature, lui propose alors de l’employer comme gouvernante pour s’occuper de ses deux fillettes. Et c’est ainsi qu’à 16 ans, elle quitte sa famille pour rejoindre Paris afin de gagner sa vie. Voilà comment Catie commença par la force des choses sa vie de femme libre et indépendante.
Le temps passe… les petites filles du notaire ont grandi et Catie doit retrouver du travail. Finalement, elle reste à Paris et devient femme de chambre au Grand Hôtel du Louvre, rue de Rivoli.
Au rez-de-chaussée de ce Grand Hôtel, est installé un magasin de mode, « Les Galeries du Louvre », créé en 1855 par deux associés, Auguste Hériot et Léonce Faré qui avaient loué le rez-de-chaussée de ce bâtiment alors qu’il venait d’ouvrir ses portes à l’occasion de l’Exposition universelle. Les grands magasins ont le vent en poupe et le commerce ne cesse de prospérer ; en 1875 le magasin est agrandi. L'ensemble de l'immeuble, occupé par l'Hôtel du Louvre est transféré de l'autre côté de la place du Palais-Royal. Les Galeries du Louvre deviennent Les Grands Magasins du Louvre et Catie y travaille désormais comme vendeuse.
L’établissement ressemble pour l’époque à une véritable caverne d’Ali Baba. On y trouve pas moins de cinquante-deux départements et comptoirs à la disposition des clients, offrant des articles qui viennent des quatre coins du monde : des soieries, des châles des Indes, des tartans, des articles de Paris, tout le nécessaire pour la bonneterie, des jouets, de l'aquarelle, des tissus précieux. Catie vend des robes de soie et de velours, des galons, des rubans de toutes les couleurs et de la passementerie d’ameublement.
Frustrée d’avoir quitté si tôt l’école, et portée par son envie d’étudier, Catie bénéficie de cours particuliers payés par les Magasins du Louvre pour apprendre l’anglais et l’espagnol. Reçue première aux examens dans les deux matières, son employeur lui paye un voyage d’abord en Angleterre puis en Espagne : c’est le début de sa passion pour les voyages.
En 1929, elle intègre le Bon Marché, et devient vendeuse sur les bateaux, d’abord en Amérique du Sud puis en Amérique du Nord. A cette époque les paquebots de la compagnie transatlantique qui hébergeaient les boutiques du bon marché étaient de véritables symboles du raffinement à la française, avec leurs décoration art déco et leur accueil incomparable.
Catie aura également eu la chance de profiter de la politique sociale des fondateurs du Bon Marché, le couple Aristide et Marguerite Boucicaut. Outre un intérêt direct à la vente, ils permettent à leurs employés d’accéder gratuitement à des cours de langues étrangères, de chant, de musique et d'escrime. Les chanceux bénéficient d'un jour de congé payé hebdomadaire, d'une médecine du travail, d'un réfectoire gratuit, d'une caisse de prévoyance, puis d'une caisse de retraite (qui sera largement financée par la fortune personnelle de Marguerite Boucicaut). On a oublié combien ce couple de pionniers fut précurseur dans l’accompagnement social de leurs salariés.
En 1939, Catie est à New-York quand éclate la deuxième guerre mondiale, qui l’oblige à rentrer en France, la navigation s’étant arrêtée avec la mobilisation. Deux de ses frères sont sous les drapeaux, un autre emprisonné à la Citadelle de Sisteron à cause de son engagement au parti communiste.
C’est la fin d’une époque. Une autre histoire commence.
Catie était une femme exceptionnelle, d’une tendresse infinie et d’une immense générosité.
Elle n’a pas eu d’enfant et comme je la questionnais un jour sur son célibat, elle me confia avec pudeur avoir eu un fiancé qui ne revint jamais de la guerre…
Elle donna de l’amour tout au long de sa vie et elle reste pour moi un exemple.
Merci ma Catie pour tout ce que tu m’as appris…
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